XIXe siècle : Les 3 grandes crues extraordinaires de la Loire
Les crues de la Loire les plus importantes jamais enregistrées dans le Loiret ont eu lieu en l’espace de 20 ans au cours du XIXe siècle : en 1846, 1856 et 1866. Elles sont classées en tant que crues cent-cinquantennales, c’est-à-dire qu’il y a, chaque année, une chance sur 150 pour qu’une crue d’une telle ampleur survienne.
Les crues du XIXe siècle sont des « crues mixtes » c’est-à-dire qu’elles sont la conjonction de crues « cévenoles » et « atlantiques ».
Les crues cévenoles résultent de fortes précipitations orageuses d’origine méditerranéenne sur les hauts bassins de la Loire et de l’Allier, qui ont des sols très peu perméables favorisant le ruissellement vers les cours d’eau.
Les crues atlantiques sont provoquées par de longs épisodes de précipitations océaniques en saison froide sur les régions aval et médiane du bassin de la Loire. C’est donc après des pluies exceptionnelles que ces crues interviennent, le cours de la Loire et de l’Allier se mettant à gonfler considérablement jusqu’à retrouver son lit majeur.
Durant ces tragiques événements, la Loire s’est élevée très rapidement, jusqu’à 5 mètres en 24 heures en 1846 avec des points culminants atteignant 7,12 mètres à Gien en 1846. A Orléans, les cotes ont atteint 6,78 mètres en 1846, 7,1 mètres en 1856 et 6,92 mètres en 1866.
Durant ces crues, la Loire déborde dans tous les vals de Gien à Orléans, noyant ainsi toutes les communes sur plus de 60 kilomètres sous au moins 1 mètre d’eau. Les levées sont submergées et percées par la puissance du fleuve. Les torrents submergent parfois la hauteur des maisons et on signale par endroit jusqu’à 5 mètres d’eau qui engloutissent les habitations. On circule même au-dessus des cheminées au quartier des montées à Orléans !
La Loire n’est alors plus un fleuve mais une mer qui transforme les vals en une immense nappe d’eau à perte de vue. La Loire et le Loiret ne forment plus qu’un seul fleuve.
Les dégâts sont très importants : des centaines de maisons et de bâtiments s’écroulent dans l’ensemble du val d’Orléans en raison d’affaissements et d’infiltrations sous les maisons. Certains habitants périssent écrasés par l’effondrement de leur habitation. La puissance du torrent est dévastateur, démultiplié par les matériaux qu’il charrie (arbres, véhicules, boue, graviers, bétail…).
Les habitants survivants sont bloqués, se réfugiant dans les étages supérieurs, dans les greniers, en haut des arbres ou des toits. Pour ceux qui peuvent être sauvés, on les descend par les fenêtres à l’aide d’échelles et de cordages, on casse même les toitures pour frayer un chemin à ceux coincés dans les greniers.
Les secours s’organisent à Orléans ainsi que dans toute les communes du val. Tous les moyens de déplacements sont réquisitionnés : charrettes, bateaux, avirons, batelier. Du pain et des billets de logement sont distribués pour les inondés sans abris. Des comités de sauvetage et de subsistance sont constitués à l’issue des conseils municipaux pour la gestion des secours.
Des milliers de personnes se retrouvent sans le moindre objet personnel et sans habitation. Des souscriptions (appels aux dons) sont lancées pour venir en aide aux sinistrés, des vivres sont distribués.
Les crues de 1856 et 1866 sont moins dévastatrices sur le plan des pertes humaines et du bétail que celle de 1846, car l’alerte est donnée par télégraphe électrique et signalée par la presse grâce aux communes située en amont sur la Loire, permettant à beaucoup de fuir avec leur bétail et de limiter le nombre de victimes.
Au total, les crues historiques majeures du XIXe siècle auront fait des centaines de victimes dans le Loiret et des dégâts innombrables qui auront marqué durement l’économie de cette époque, surtout d’un point de vue agricole. Aujourd’hui, ces événements tragiques servent de référence dans la prévention du risque d’inondation et sont connus par une partie des Loirétains, notamment grâce aux marqueurs de crues placés dans les villes du Loiret.
Aujourd’hui, plus de 80 000 Loirétains vivent en zone inondable, dont 50 000 dans l’agglomération d’Orléans. Si une crue d’une ampleur de celle de 1856 arrivait aujourd’hui, les conséquences économiques et humaines pourraient être beaucoup plus dramatiques qu’au cours du XIXe siècle.
Sources :
PINAULT Karine, Les catastrophes météo dans le Loiret, 2010, Paris, Archives & Culture. Tiré des archives du Loiret
Archives départementales - Journal du Loiret octobre 1846
Archives départementales - Journal du Loiret juin 1856
Archives départementales - Journal du Loiret septembre-octobre 1866
http://www.eptb-loire.fr/crue-1866/
http://www.eptb-loire.fr/wp-content/uploads/2016/09/ACTU_CRUE_1866_BD1.pdf